HOMMAGE à l'enfant de Dellys et Bab El Oued ... Frédéric Musso est décédé

Fred et le port de Dellys Algerie Copyright Zinedine Zebar

Frédéric Musso est parti hier, paix à son âme , il m'a écrit dernièrement ceci sur Alger. Je le partage avec vous .
 

Vue sur Alger , la Casbah et Notre Dame d'Afrique de la jetée Copyright Zinedine Zebar

C’est un pays où les villes descendent vers la mer comme on va à la plage et au détour de chaque rue, entre les immeubles, entre les maisons, on voyait du bleu. On ne perdait jamais le nord puisqu’on ne perdait jamais le large. On savait bien qu’on se trouvait devant l’une des plus belles baies du monde. Et quand on se tenait sur les hauteurs, assis sur un parapet, à contempler les mouvements du port, on recevait la rumeur d’un cirque fabuleux dont les gradins résonnaient de cris, d'appels, de rires et du chant des sirènes des bateaux. C'était la respiration d’une ville blanche dont les enfants étaient les princes. Nous courions derrière les trolleybus qui dévalaient la colline de Notre-Dame-d’Afrique, qu’on appelait “Madame l’Afrique”. Le jeu consistait à les devancer par des raccourcis crénelés de lauriers-roses et d'aloès, jusqu'au terminus du tramway, devant l'hôpital Maillot. Nos genoux couronnés volaient dans l’air poussiéreux. La mer brillait en bas. Nous nous jetions dans les sentiers qui coupaient les méandres de la ligne, comme s’il se fût agi, en un vertigineux plongeon, de rejoindre le bleu de l'eau. A l'autre terminus du tramway, du côté des enfants sages, il y avait le Parc de Galland. Dans les rigoles de ciment fin qui bordaient les allées en pente, on faisait rouler des petites autos Dinky Toys. La Talbot de course bleue, lestée de plomb fondu, était la plus rapide. Nous poursuivons nos bolides jusqu’aux grilles d’égoût. La peur de les perdre nous donnait des ailes et s’il arrivait que l'un d'eux disparut dans le réseau souterrain, nous insultions gravement les dieux qui veillent sur les jardins publics. Parfois, l'après-midi, on tapait cao pour aller se baigner. Les voûtes du port avaient des odeurs d'épices et de saumure

Texte de Frédéric Musso Journaliste et écrivain.