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06 May

LA RÉPUBLIQUE QUE NOUS RÊVONS Par Mohamed Kacimi photographies Zinedine Zebar

Publié par Zinedine ZEBAR  - Catégories :  #-Alger, #-Algerie, #Histoire, #manifestation, #presidentielles, #Gaid_Salah, #ZinedineZebar, #Mohamed_Kacimi, #Algeria

Manifestation du 12 avril 2019 a Alger Copyright Zinedine Zebar Manifestation du 12 avril 2019 a Alger Copyright Zinedine Zebar

Manifestation du 12 avril 2019 a Alger Copyright Zinedine Zebar

Après dix semaines de manifestations qui ont rassemblé des millions d’algériens, aujourd'hui nous entrons dans la onzième, beaucoup d’entre-nous se posent la question : combien de temps allons-nous encore tenir à ce rythme là ? Combien de temps vont-ils encore s’accrocher au pouvoir ? Nous avons tous cru que nos « dirigeants », allaient comprendre qu’ils avaient fait leur temps, que nous ne voulons plus d’eux, que nous en avons marre de leur gueules et de leurs méfaits, Oui, nous avons vraiment crus que les bandits qui nous gouvernent allaient déguerpir, en courant, au premier cri de la foule, laissant les milliards du pétrole volés derrière eux. Mais a-t-on vu, dans l’histoire, un voleur à la tire rendre son portefeuille à sa victime parce qu’elle a crié « au voleur » dans la rue ? Ces bandits qui nous gouvernent depuis près de soixante ans, tiennent l’Algérie entre leurs dents, comme des chiens tiendraient un os entre leurs crocs. Appelons un chat un chat et un chien un chien. Et ce sont des chiens qui ont lavé leur visage avec de la pisse de chien, comme on dit. Et ces chiens là ne lâcheront pas par peur de nos sourires. Mais nous avons été naïfs, trop naïfs, mais c’est ce qui fait notre force, c’est cette capacité de rêver et c’est tant mieux. Rêvons encore, rêvons jusqu’au bout, rêvons, à mains nues toujours, rêvons, le sourire aux lèvres, jusqu’à leur faire rendre gorge. Certes, nous n’avons toujours pas réussi à renverser ce pouvoir, pourtant agonisant, mais nous avons réussi à bouleverser le monde avec les images de ces foules pacifiques, joyeuses, qui déferlent depuis deux mois sur le pays, en exigeant qu’on leur rendre leur liberté. Ils on fait de nous un peuple de pestiférés, de terroristes, mis au ban des nations, rasant les murs, s’excusant d’être vivants à chaque pas. Un peuple dont les enfants préfèrent crever en mer plutôt que de vivre chez eux. Nous revenons de loin de très loin, nous revenons à la vie. Le Hirak nous a rendus notre humanité, il nous a réconciliés avec notre nationalité qu’on vivait comme une malédiction, une tare congénitale, au point que beaucoup d’entre-nous en sont arrivés à regretter le temps de la colonisation qui nous avait pourtant rayés de la carte et transformés en indigènes sans âme. Le Hirak dure, et c’est tant mieux, Son miracle c’est d’avoir permis pour la première fois aux algériens d’investir l’espace public dans la joie, et d’avoir ouvert, enfin, la rue aux filles et aux femmes qui peuvent défiler, cheveux, au vent, chanter ou danser sans se faire cracher au visage ou lyncher par la foule des hommes. Le Hirak est une résurrection qui nous permet de retrouver notre parole, nos corps, nos rues, notre joie et surtout notre fraternité que la violence de l’histoire a failli effacer. Le Hirak est une école, où nous apprenons chaque semaine à devenir nous mêmes, à essayer les outils de la démocratie, de la liberté de parole et de pensée. Et peu importe, si nos débats se font parfois avec des éclats ou des emportements. Nous venons à peine de franchir la porte de liberté et toutes les erreurs nous seront pardonnées pour l’instant. 
Les révolutions ne se font pas en un clin d’œil, et la démocratie ne tombe pas du ciel. Onze semaines, ne sont qu’un grain de poussière dans la vie d’un peuple. Nous sommes en gestation de nous même, donnons nous le temps de mettre au monde, une autre nation, de nous changer nous mêmes avant d’abattre l’édifice, branlant, de ce système dont personne ne veut plus. Cela fait presque soixante ans qu’ils nous marchent sur le corps pour nous empêcher de vivre ; donnons-nous le temps de marcher encore pour les empêcher de dormir jusqu’à leur mort. Si on comptait juste dix millions de manifestants qui vendredisent chaque semaine, ce sont donc cent millions d’Algériens qui ont investi les rues de Tamanrasset, de Djanet, d’Oran, de Bordj, de Béjaïa et tous les bourgs et douars du pays. Chaque vendredi équivaut désormais à une prise de la Bastille, où nous montons à l’assaut de nous mêmes pour démembrer pierre par pierre les murs de cette prison où ces bandits nous ont enfermés depuis juillet 1962. Cependant, le régime en place fait la sourde oreille. Chaque mardi, on ne sait pourquoi ce jour ? un général, cacochyme, qui devrait être à la retraite depuis vingt ans, prend la parole et jette en pâture à la foule un oligarque de son entourage. Ils seraient prêts à foutre en taule, à la maison d’arrêt d’El Harrach, pères et mères pourvu qu’ils restent au pouvoir. 

 Manifestation du 12 avril 2019 a Alger Copyright Zinedine Zebar
 Manifestation du 12 avril 2019 a Alger Copyright Zinedine Zebar  Manifestation du 12 avril 2019 a Alger Copyright Zinedine Zebar  Manifestation du 12 avril 2019 a Alger Copyright Zinedine Zebar

Manifestation du 12 avril 2019 a Alger Copyright Zinedine Zebar

Contrairement à ce que pensent beaucoup d’Algériens la chute de ce régime n’est pas une fin en soi, elle est inéluctable, mais elle n’ouvrira pas pour autant les portes du paradis aux citoyens. Il s’agit surtout de construire une nouvelle République, une première en fait, et ce sera la tache la plus dure. Nous sommes lucides, cette révolution du sourire pour idéale qu’elle soit n’a pas pour autant transformé, du jour au lendemain, l’Algérie en société idyllique. Le pays est gangrené par la religiosité, travaillé au plus profond de ses entrailles par les régionalismes, dominé par des mentalités conservatrices, patriarcales et machistes. Et quand viendra le temps du débat, quand il s’agira de poser sur la table la question de la place de la religion dans la société, celle de l’égalité des droits femmes et hommes, de la liberté de culte et de croyance, il est fort à parier que cette union nationale, induite miraculeusement par le Hirak, volera en éclats. Il faudra alors respecter les règles du débat citoyen et démocratique. Il nous faudra rêver d’une République algérienne tout court, débarrassée des oripeaux de « démocratique et populaire », qui renvoient au temps révolu des Pays de l’Est. Il faudra commencer par mettre définitivement le cadavre du FLN au musée de l’histoire ou l’enterrer au carré des martyrs avec cette épitaphe « Au FLN 1954-1962, le peuple algérien reconnaissant ». Elire une assemblée nationale qui reflétera la jeunesse de ce pays dont la moitié de la population à moins de 30 ans, une assemblée où les femmes algériennes seront aussi présentes que les hommes. L’idéal serait d’opter pour un régime parlementaire afin d’éviter la personnalisation du pouvoir. Le futur président n’aura pas, on l’espère, plus de quarante ans ainsi que tous les ministres d’un gouvernement qui respectera la parité femmes-hommes. Les filles algériennes sont aujourd’hui plus diplômées que les garçons, ( 63% des diplômes supérieurs sont obtenus par des femmes ). Il faut que la société leur rende justice et leur donne, enfin, cette place qu’elles méritent. Y arriverons nous ? En aurons-nous le courage ? 
La réponse sera aux mains de la nouvelle génération qui a initié cette révolution ; c’est elle qui décidera si elle veut propulser l’Algérie au cœur le révolution du 21 ème siècle, ou la ramener dans le giron tribal de l’Arabie du 7 ème siècle. D’ici là, si le régime persiste dans le scénario insensé des élections présidentielles du 4 juillet, il suffit de décréter cette journée, journée de la sieste nationale, où il n’y aura pas un chat dans les rues d’Algérie. Ce jour là le monde entier verra la grande solitude des chiens gérontes qui veulent encore nous gouverner, contre notre gré. 

 

Texte Mohamed Kacimi Photographies Zinedine Zebar 

LA RÉPUBLIQUE QUE NOUS RÊVONS Par Mohamed Kacimi photographies Zinedine Zebar
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